Le Finistère Bretagne – la beauté du bout du monde

Quatre saisons à la côte de l'Atlantique
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Auteure

Alena Ehrenbold

Alena Ehrenbold partage sa vie entre la Suisse et la France. Surfeuse, productrice de film sur le surf et journaliste, ce professeur de lycée est pourtant une véritable globe-trotteuse et parcourt le monde presque en permanence. Elle écrit régulièrement pour divers magazines et produit des films de cinéma et des émissions de télévision.

Les messagers de la côte

Un rire strident m’arrache à mon dernier rêve de la nuit. D’autres ricanements hystériques lui font écho et j’aperçois un groupe de mouettes passer devant ma fenêtre ouverte. La mer est proche ; chaque matin, ses messagers tournoient au-dessus des toits en ardoise de la vieille ville de Quimper – appelée Kemper en breton. Je m’approche de la fenêtre ouverte ; devant moi s’élèvent fièrement les deux tours pointues de la cathédrale gothique dans la lumière de l’aube. La fraîcheur de l’air matinal me donne la chair de poule et me rappelle qu’au bout du monde, il faut toujours s’attendre à une brise fraîche matin et soir, même pendant les mois estivaux. Je ferme la fenêtre et réveille mes amies en visite de Suisse afin que nous puissions aller à la mer. 

Les reines de Cornouaille

En arrivant dans la rue, nous voyons un groupe d’hommes en gilets jaunes qui nettoient la rue et finissent de hisser des barrières sur un camion. Le plus grand événement culturel annuel de la région s’est terminé la veille – « Le Cornouaille Quimper » – le festival de la Cornouaille (la Cornouaille recouvre une région historique, politique et religieuse du département du Finistère). Durant neuf jours et neuf nuits, les coutumes, instruments et costumes bretons de l’ancien temps reprennent vie au pied de l’impressionnante cathédrale St. Corentin dans la vieille ville de Quimper. Ce festival est né en 1922 lorsque, à l’occasion de l’inauguration de son cinéma à Quimper, Louis Le Bourhis invita les plus belles jeunes filles, « les reines », des villes voisines à venir défiler de la gare au cinéma. Le succès rencontré par cette manifestation le décida de créer, avec l’appui des commerçants quimpérois, « la Fête des Reines ». C’est ainsi que depuis 1923, la Reine de Cornouaille est couronnée chaque année. L’apogée de la fête a lieu le dimanche après-midi lorsque plus de 1000 danseurs, danseuses et musiciens, revêtus de costumes traditionnels et arborant toutes les couleurs imaginables, défilent le long de l’Odet. . 

Porté par le vent solaire

Notre prochaine destination sera Audierne – Gwaien en breton. Ce port de pêche autrefois important accueille aujourd’hui de somptueux voiliers et des yachts à plusieurs étages. Je traverse la petite ville pittoresque en voiture avec mes invitées ; ses quais parsemés de restaurants, boutiques et magasins de souvenirs invitent à la flânerie. L’extrémité nord d’Audierne abrite une plage de sable blanc, souvent à l’abri du vent. Nous étalons nos serviettes, faisons un peu bronzette et osons même un plongeon dans l’eau très fraîche, ou plutôt glaciale aux dires de mes amies non habituées aux conditions bretonnes. Au bout d’un moment, la faim nous ramène en ville, attirées par l’odeur de la galette – une crêpe salée typiquement bretonne à base de farine de sarrasin garnie d’œuf, de fromage et de jambon dans sa version classique ou de fromage de chèvre et de miel dans une version plus extravagante – dans une crêperie proche du port. Tout en savourant le fondant de la fine pâte croustillante de la galette, nous discutons déjà de la crêpe sucrée que nous allons choisir en dessert. 

Nous poursuivons notre route. Un panneau jaune indique « la route du vent solaire », une route idyllique longeant le littoral. Nous empruntons de petites rues sinueuses traversant de petits hameaux endormis, franchissant de douces collines, longeant des champs de blé doré bordés de coquelicots sauvages, semblables à de petites tâches de peinture rouge déposées par un peintre sur le paysage. Chaque virage, chaque colline nous révèle un nouveau paysage panoramique. Le nord est dominé par des falaises abruptes, tandis que le sud présente des sites marécageux au climat quasi-tropical, ainsi que des champs de maïs et de soja. Je décris à mes amies la beauté du printemps, des champs de tulipes qui fleurissent dans toutes les couleurs imaginables. Et de l’automne, lorsque les arbres se tiennent entre les champs tels des flambeaux rougeoyants. Recouvertes de mousse et entourées de buissons noueux, des églises et des chapelles veillent ici depuis le XIIe siècle, témoins d’un autre âge. Des récifs abrupts et crevassés dont les rochers descendent jusque dans la mer succèdent à des plages de sable blanc baignées d’une eau turquoise. Comme si la nature voulait rappeler, même en été, que les côtes bretonnes comptent parmi les eaux les plus difficiles à naviguer au monde. 

Braver l’Atlantique

En Bretagne, la mer est à la fois imprévisible, dangereuse et merveilleuse. C’est en hiver que cette portion de la côte revêt un charme tout particulier. De furieuses tempêtes hivernales traversent l’Atlantique, projetant avec fracas des vagues de plusieurs mètres de haut sur la côte bretonne. Quelques phares aident les marins téméraires à contourner les pointes tortueuses, même par forte tempête. Je suis toujours fascinée de voir comment les phares bordant la côte bravent les vagues qui jaillissent avec colère contre leurs murs. Ils ressemblent à des allumettes colorées dont le destin sera d’être un jour emportées par une forte vague. À chaque fois, c’est avec soulagement que je vois réapparaître un phare intact après l’avoir vu disparaître pendant quelques secondes sous un mur d’eau. La rudesse du climat se retrouve non seulement sur la côte, mais aussi chez ses habitants. Les rafales de vent, les tempêtes violentes et la bruine qui persiste pendant une semaine ne sont pas rares en hiver. Il n’est donc pas étonnant que les Bretons soient un peu plus renfermés, plus réservés, un peu plus originaux que le reste de leurs compatriotes. Cependant, si l’on parvient à gagner leur confiance, c’est avec beaucoup de chaleur et une sincère cordialité qu’ils nous ouvrent les bras. Cela arrive souvent autour de deux ou trois bières ou de l’un des whiskys distillés dans la région – car les Bretons savent que la véritable chaleur vient de l’intérieur. 

Un paysage de carte postale

Nous gravissons une autre colline et empruntons un sentier escarpé pour redescendre vers Pors Poulhan ; un voyage vers un passé révolu. Quelques anciens pêcheurs sont assis sur le muret du port. Tout comme le faisaient déjà certainement leurs ancêtres il y a cent ans. Un épais tapis d’algues recouvre la plage de ce port pittoresque. Cet enchevêtrement de petites branches rouges, de longues plantes marron et de mini laitues de mer d’un vert criard est nommé « goémon » par les Bretons. On le trouve sur la plupart des plages du Finistère en fonction des courants marins. Lorsque je traverse la plage pour aller surfer, je fais parfois quelques pas sur cet épais tapis d’algues pour sentir mes pieds nus s’enfoncer de quelques centimètres dans cet épais lacis. Les visiteurs disent que le goémon sent mauvais. Si l’on passe un peu de temps ici, il commence à sentir le sable et la mer. 

Sur la colline à gauche de Pors Poulhan, les habitants de la commune ont autrefois aménagé une fosse tapissée d’ardoise. Ils ramassaient le goémon des plages avoisinantes et le faisaient brûler dans cette fosse pour en tirer du soufre. Cela sous le fier regard de la « Bigoudène » dont la statue se dresse à côté de la fosse. Recouverte de mousse, elle symbolise aujourd’hui encore la frontière entre le Cap Sizun et le pays Bigouden – tous deux pays de la Cornouaille. Nous nous asseyons sur le banc situé devant la statue et regardons un moment les pêcheurs gagner leurs chalutiers à la rame à bord de canots verts, bleus, jaunes et rouges. Nous poursuivons ensuite notre route vers le sud. 

Au Bistrot

Nous longeons quelques maisons anciennes, rénovées avec beaucoup de goût, perchées hardiment au bord des falaises et arrivons enfin à Penhors. Dans le petit port, deux ou trois chalutiers se balancent, tandis que des jeunes barbotent dans l’eau avec des planches de surf en mousse vert fluo sur la longue plage de sable. Devant le pôle nautique – un ancien bunker réaménagé datant de la Deuxième Guerre mondiale, comme on en trouvait par centaines sur toute la côte atlantique – un groupe coiffé de casques rouges attend les dernières instructions avant de débuter son aventure en char à voile. Nous nous dirigeons vers le « Ty Plad », l’un de ces bistrots bretons typiques où jeunes et anciens se retrouvent le soir après le travail ou le week-end. Devant le bar, quatre jeunes hommes disputent une partie de « palet », jeu typiquement breton. Semblable à la pétanque, il se joue toutefois avec des disques plats et ronds qui doivent être lancés avec précision sur une planche de bois. La concentration est à son comble et l’on commente le jeu de vive voix en levant son verre de temps à autre. Nous entrons dans le bar où Jessica nous accueille, le sourire aux lèvres. Il y a deux ans, elle a repris le bar de sa grand-mère Mimi ; c’est pourquoi « Chez Mimi » s’étale en lettres majuscules sur l’enseigne au-dessus de l’entrée. Elle nous apporte trois petites bouteilles de Kerné, le cidre produit dans le coin. L’amertume du moût pique agréablement la gorge. Nous regardons le soleil décliner lentement derrière le port de Penhors ; la lumière du bar et le faisceau lumineux du grand phare d’Eckmühl deviennent alors les seules lumières à briller au bout du monde. 

Photos: Alena Ehrenbold / Gaëtan Keravec / DER Touristik Suisse SA