Île de Pâques : le nombril du monde

Du bleu a foison, quelques touches de vert et une vue sur les profondeurs de la nature
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Auteure

Sarah Pally

Sarah Pally a fait l’ascension des volcans hawaïens, observé les pingouins depuis la pointe septentrionale de l’Argentine, traversé des routes à 16 voies au Vietnam, cueilli des fruits exotiques à même les arbres à Tahiti et a grelotté de froid dans le désert jordanien autant que dans le Nord du Canada. Elle n’a aucune intention de retourner sur l’île de Pâques mais refoulerait volontiers le sol de la Patagonie. Son plus grand rêve serait de partir en voyage pendant plusieurs mois pour parcourir l’Afrique depuis la ville du Caire jusqu’au Cap.

Imaginez un instant que vous vous trouviez à Zurich, et que Zurich soit une toute petite île de 6000 habitants. Imaginez que le bout de terre le plus proche soit une petite île similaire aussi loin de Zurich que l’est Moscou. Entre les deux : du bleu. La mer bleue, le ciel bleu. Et rien d’autre. Absolument rien. Maintenant, imaginez que la terre ferme la plus proche soit presque deux fois plus loin encore. De quoi se sentir un peu seul et coupé du monde, n’est-ce pas ? C’est le sentiment que j’ai eu lorsque j’ai atterri sur l’île de Pâques chilienne, à 3500 kilomètres du continent. 

J’atterris donc dans ce coin de terre perdu au beau milieu du bleu infini, sur la piste d’un aéroport qui doit son existence aux ambitions aérospatiales américaines : il devait initialement servir de piste d’atterrissage d’urgence aux navettes spatiales américaines. L’île a réussi à mettre en place un semblant de tourisme.

Rien d’extravagant, s’il vous plait !

La seule localité de l’île, Hanga Roa, est certes toute petite mais les touristes n’y manquent de rien : taxis, hôtels et auberges, restaurants et cafés, un distributeur de billets, une boutique de souvenirs, un bureau de poste et quelques agences proposant à la location des véhicules solides couvrent les principaux besoins des visiteurs. Mais ne demandez rien d’extravagant : un café au lait ? Impossible, il n’y a pas de lait sur l’île pour le moment, mais un bateau viendra approvisionner l’île bientôt. «Mañana», sûrement... Une certaine désinvolture sud-américaine est parvenue jusqu’ici.

Je loue une petite jeep pour pouvoir explorer l’île à mon rythme le lendemain. Des choses à voir, ici, il n’en manque pas : un cratère et un site archéologique dans le sud, les célèbres moaï, des têtes de pierre, une carrière de pierres d’où viennent les moaï et une petite mais jolie plage de sable et enfin… ni plus ni moins que le «nombril du monde». C’est ainsi qu’a été baptisée une pierre ronde polie par la nature, flanquée de quatre petites pierres et encerclée d’autres pierres. L’existence de cette boule de pierre est attribuée à des puissances mystiques.

La patrie d’une culture tribale

L’île n’est pas luxuriante. Des herbes courtes en bataille consolident une couche d’humus fragile. Depuis des millions d’années, la mer n’a de cesse de les fouetter. Comment des hommes ont-ils pu survivre ici ? Car jadis, tout était différent : lorsque les premiers Polynésiens colonisèrent l’île, elle était verdoyante. Ils s’y installèrent, y vécurent dans l’abondance et s’y reproduisirent. Une culture tribale, dotée de hiérarchies, d’un système de croyances et même d’une écriture, se développa. Mais les habitants commencèrent à déboiser l’île pour créer plus de terres cultivables et des bateaux plus gros, et ce faisant, ils déclenchèrent une spirale tragique. Les têtes de pierre vénérées et fabriquées avec beaucoup de soin devinrent les témoins silencieux de cette tragédie.

Un voyage d’aventure

Après un détour par la plage d’Anakena, sur le chemin du retour à destination d’Hanga Roa, surprise : encore de l’ombre, cette fois celle d’une petite forêt d’eucalyptus divinement parfumée. Je choisis de regagner le village en faisant un petit détour pour longer la côte. Quelle aventure ! Le petit détour s’est transformé en une piste impraticable, truffée de nids-de-poule ! Je décide alors de ne pas parler de ce retour catastrophique à l’agence de location – si je parviens à revenir un jour, ce dont je doute fort. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi ! Et j’en ressors incroyablement soulagée et indemne.

Les Européens arrivèrent

Lorsque les Européens arrivèrent sur l’île à la fin du XVIIIe siècle, ils la décrivirent comme inhospitalière et inintéressante. À cette époque, il ne devait rester sur l’île qu’un petit millier d’habitants. Par la suite, l’esclavage et les maladies importées contribuèrent à réduire la population à une centaine d’habitants en un siècle. Le Chili annexa ensuite l’île de Pâques, les États-Unis investirent dans son infrastructure et des archéologues arrivèrent de différents pays. Depuis quelques décennies, les relations entre l’île et le continent chilien se sont détendues. Aujourd’hui, quelque 6000 personnes y vivent, dont beaucoup d’immigrés du continent.

En dehors de l’espace et du temps

Pourquoi les visiteurs viennent-ils ici ? Sûrement pour le côté exclusif et pour pouvoir frimer auprès d’autres voyageurs. Mais aussi pour la situation et l’histoire absolument uniques de l’île, au point d’en donner des frissons à ses visiteurs. Pour moi, ce qui prime, c’est la sensation d’être là ; ce sentiment de me trouver en dehors de l’espace et du temps. Avec cette idée en tête, je m’offre le souvenir le plus insolite de tous les voyages que j’ai faits jusque-là : une tasse sans aucun motif. La représentation parfaite de ce voyage. Car l’île de Pâques dans son ensemble garde quelque chose d’incompréhensible, n’a pas véritablement de caractère et est un mystère que l’on peut difficilement résumer par des mots. Je me balade le long de la petite promenade en face de la mer et j’observe quelques surfeurs. Quand le bateau arrivera-t-il donc pour apporter du lait ?

Une atmosphère de vacances

Bien que l’île de Pâques appartienne à la Polynésie sur le plan géographique, l’on n’y trouve peu de plages de sable le long de ses 58 kilomètres de côte du fait de ses éruptions volcaniques. Pour être exacte, il n’y en a que trois : Pae, Ovahe et Anakena. La plage d’Anakena est la plus belle mais aussi la plus grande plage de l’île. Elle se situe au nord-ouest de la côte et n’est accessible qu’en voiture de location depuis Hanga Roa. Dans cette baie où se déroule une plage de sable blanc apparaît rapidement une atmosphère de vacances, empreinte de légèreté, grâce aux boutiques de souvenirs, aux échoppes de nourriture et au vaste espace disponible sous les longs palmiers replantés.

Photos: iStock, Shutterstock, Sarah Pally